Une opinion dans Science

COVID-19 : le cas de l’Afrique



imgActu

Le parcours mitigé du COVID-19 en Afrique pourrait révéler des pistes de recherches à explorer. Démographie, héritage génétique, mesures précoces et sévères de confinement semblent quelques pistes intéressantes à approfondir. C’est en tout cas ce qu’expose un groupe international de scientifiques dont fait partie Benjamin Dewals, chercheur au FARAH (Faculté de Médecine vétérinaire), dans une opinion publiée dans le journal Science.

L

e SRAS-CoV-2, le coronavirus responsable de la maladie COVID-19, s’est répandu rapidement et largement dans la plupart des pays du monde, avec un taux de mortalité important en Europe et aux États-Unis. Alors que les experts avaient prédit des millions de morts résultant de la maladie en Afrique, il s’avère aujourd’hui que les chiffres annoncés n’ont toujours pas été atteints. S’il n’est pas tout à fait certain que l’Afrique soit épargnée par cette pandémie, certain facteurs, notamment d’ordre génétique, démographique et/ou immunitaire, pourraient expliquer le plus faible impact du virus sur les populations africaines. C’est en tout cas quelques pistes de réflexions avancées par un groupe de chercheurs scientifiques dont fait partie Benjamin Dewals, immunologue et chercheur qualifié FNRS au sein du centre de recherches FARAH de l’ULiège. Pour arriver à ces conclusions les chercheurs ont mis sur la table plusieurs données ou caractéristiques propres à l’Afrique qui pourraient avoir contribué au ralentissement de la pandémie.

Les facteurs démographiques, immunitaires et génétiques pourraient notamment expliquer que la maladie ait eu moins d’impact. « La population africaine est beaucoup plus jeune que celles des États-unis ou de l’Europe (moy. 19,7 ans en Afrique et de 38,6 ans aux USA), explique le chercheur, or on sait que le virus fait beaucoup plus de ravages chez les populations âgées alors que les populations plus jeunes ne développent que très peu de symptômes.»  Un développement plus rapide d’une « immunité collective » au sein de la population jeune a également pu entraîner une diminution des cas graves. Des tests de détection des anticorps (sérosurveillance) doivent encore être analysés mais ils pourraient permettre de déterminer si la transmission était plus répandue avec un taux élevé de cas asymptomatiques et légers dans ces pays que sur d’autres continents.

Les caractéristiques génétiques du coronavirus (SRAS-CoV-2) et la génétique humaine pourraient également figurer parmi les raisons de la faible incidence du COVID-19 en Afrique. « L'efficacité et l'adéquation de réponses adaptatives à des infections virales dépendent de multiples facteurs, notamment des infections passées ou présentes avec d'autres agents pathogènes. Il se pourrait donc qu’une exposition antérieure à des coronavirus humains apparentés pourrait générer une réactivité immunologique croisée. » Une autre hypothèse, liée à la réponse immunitaire, suggère que l'exposition précoce et chronique à des agents pathogènes entraînant une activation cellulaire immunitaire dans des environnements difficiles, tels que ceux rencontrés en Afrique, induise une forte réponse immunitaire régulatrice pour contrer une inflammation excessive, comme dans le cas du SRAS-CoV-2.

Les mesures telles que le testing, l’instauration de couvre feux, la fermeture des écoles et des restrictions concernant les voyages qui ont été prises de façon plus précoce qu’en Europe ou aux États-Unis pourraient expliquer une diminution du nombre de cas importés et une réduction de la transmission à l'intérieur des pays d’Afrique, ce qui aurait laissé suffisamment de temps aux autorités pour préparer les laboratoires, déjà très sollicités, au diagnostic et pour élaborer des stratégies de quarantaine, de recherche des contacts et de distanciation sociale sur un continent qui a déjà l'expérience de ces pratiques pour contrôler des épidémies telles que la fièvre de Lassa et le virus Ebola. « Il est évidement fort probable que les mesures de confinement n’aient pas été respectées dans de nombreux pays, reprend Benjamin Dewals, et on ignore aussi si l’assouplissement de ces mesures entrainera une augmentation du nombre des cas. » 

Il existe des différences d’opinion concernant le schéma de propagation du COVID-19 en Afrique comparé à celui de l’Europe ou des USA, car il manque encore de nombreuses données (cas asymptomatiques, anticorps, etc.), mais les chercheurs estiment que l’Afrique devrait être intégrée aux programmes de recherches concernant le COVID-19.

« La pandémie de COVID-19 doit souligner la nécessité de mettre en œuvre à grande échelle des outils de santé publique, tels que des données de haute qualité, des diagnostics précis pour le suivi et la traçabilité, une bonne communication et un vaccin efficace. Il est essentiel de tester rapidement les vaccins dans différentes régions d'Afrique, car le degré élevé d'exposition aux pathogènes peut limiter les réactions aux vaccins, conclu le chercheur. »

Les premiers essais du vaccin COVID-19 commencent en Afrique du Sud (essai VIDA du vaccin Ox1Cov-19) et d'autres sont prévus. Il faut espérer que cela stimulera la pleine participation de l'Afrique à la lutte contre la pandémie.

Référence scientifique

Moustapha Mbow, Bertrand Lell,Simon P Jochems, Badara Cisse, Souleymane Mboup, Benjamin G. Dewals, Assan Jaye, Aalioune Dieye, Maria Yazdanbakhsh, COVID-19 in Africa : Dampening the storm. The dampened course of COVID-19 in Africa might reveal innovative solutions. Insights, Science, august 2020.

Contact

FARAH (Fundamental and Applied Research for Animal & Health) | Faculté de Médecine vétérinaire

Benjamin G. DEWALS


Photo : Martin Sanchez for Unsplash

Partagez cette news